Les pertes de nos vies sont des deuils…

Nous vivons tous, à un moment ou à un autre de nos vies, des évènements difficiles et douloureux.

J’ai déjà parlé, dans d’autres articles de la perte d’un être cher. Dans celui-ci, je fais référence à tout ce qui peut nous arriver, qui s’apparente à une perte et qui est une souffrance :  la perte d’un travail, l’obligation d’une reconversion professionnelle, les échecs que l’on peut ressentir dans notre vie, les ruptures amoureuses, un déménagement, une maladie… 

Bref, tous ces changements pour lesquels nous étions plus ou moins préparés et qui vont redéfinir notre vie, notre environnement. J’appelle tout cela les « deuils de nos vies » : nos pertes, nos renoncements… Ces évènements provoquent des crises dans la vie de chacun, des changements, parfois même radicaux. Cela impacte des situations qui étaient jusqu’alors établies, des routines, des habitudes bien installées.

Il s’agit de la perte définitive d’un objet auquel nous tenions. Que cet objet, se nomme entourage, maison ou travail… C’est pourquoi, l’on peut parler « de deuil de nos vies ». Et dans ces cas, les étapes du deuil peuvent être très visibles, présentes et structurées. Elles le seront d’autant plus, que la perte était inattendue, non prévisible et injuste.

Souvent, notre attitude, après l’effondrement qui suit la nouvelle est de vouloir se remonter les manches. De rebondir comme nous l’entendons bien souvent. Contrairement à la perte d’un être cher, nous ignorons bien souvent ces blessures et les souffrances occasionnées par de telles pertes. Passé l’état de surprise, parfois de déprime et dans les expériences plus douloureuses encore, de dépression, nous avons tendance à couvrir, vouloir avancer et minimiser ce que l’on ressent, ou vit.

Avancer est fondamental. Mais il existe ce temps d’adaptation à la nouvelle situation, nouvelle donne que nous ne devons pas écourter. Variable d’une personne à l’autre, d’une situation à l’autre, elle oblige de s’arrêter, et de regarder ce que nous dit cette situation sur notre état, notre mental. Il s’agit d’oser crier notre douleur quand les évènements sont injustes, D’oser regarder notre peur quand l’avenir est obscur. D’oser pleurer quand la tristesse étouffe notre cœur. Et enfin être réconfortée.

C’est en premier lieu la sidération face à une situation d’abord incomprise tant elle rabat les cartes de notre existence ; c’est le cas, par exemple devant la perte d’un emploi, devant la trahison d’amis, devant des mensonges éhontés, colportés. La sidération est grande, le temps s’arrête, les mots manques, et parfois, même les larmes sont absentes. Il s’agit de cet état d’ahurissement dans lequel toutes nos émotions sont anesthésiées. Nous sommes bien souvent sans voix, sans mots, sans ressenti, vide, figée dans cet instant de basculement.

Puis viennent les premiers mots, les incompréhensions, le sentiment d’injustice. Puis, à la suite de cette première mise en mots, les premières émotions, colère, tristesse, dégoûts… Et là, il faut du temps pour commencer à digérer cette information, du travail à faire sur soi. Que dit ma colère sur ma blessure ? Sur la situation ? Que dit ma tristesse sur cette blessure ? A quoi dois-je renoncer ? A quelle perte cela me renvoie-t-il ? Que disent mes larmes sur ce que je ressens à ce moment-là ? Que disent mes larmes sur la peur de l’avenir ? Qu’est-ce que je vaux ?  Que disent mes larmes sur la trahison d’un ami ? Quelles sont les pertes occasionnées ? Comment recomposer ma vie ?

Avec les émotions, viennent doucement les questionnements et les questionnements génèrent elles-mêmes de nouvelles émotions.

Afin d’y voir plus clair, je vais faire le tour de quelques exemples.

Lorsque je perds mon emploi :

Nous passons beaucoup d’heures au travail. Nous nous y investissons, nous y impliquons. Notre vie est, bien souvent, organisée autour de ce travail.  Il détermine le choix et le temps de nos vacances, quel niveau de vie nous avons, quels projets nous pouvons mener. Quelles sont les limites. On y parle également de réalisation de soi. Cette réalisation de soi impacte directement l’image que nous avons de nous. Notre estime de soi. Notre travail implique une certaine identification sociale, regard sur soi. Quelle est la place que nous prenons dans cette société. Quelle part nous prenons. Parfois, nous nous y impliquons tant que nous y mettons notre identité, que nous y laissons notre identité.

Notre travail est un repère important de notre vie. Alors, lorsque ce repère disparaît, lorsque nous perdons ce travail, c’est tout cela qui est remis en question. La perte impact nos projets, nos limites, nos organisations, notre réalisation, l’image que nous avons de nous, notre estime de soi, la place que nous prenons dans la société, et parfois, malheureusement notre identité et notre santé.

 Du moins, dans un premier temps, durant ce temps de sidération. Cette nouvelle, telle une pierre jetée dans l’eau, créée des remous, des ondes, perturbe et sidère. Puis la colère face à l’injustice de la situation, la tristesse liée à la perte prennent le pas.  Vient alors le temps de mettre des mots sur ces maux ! Et c’est le début de la reconstruction. Prendre conscience de toutes les conséquences de cet événement sur notre vie, aussi difficile cela soit-il, permet de progressivement prendre conscience de toutes les opportunités qui s’ouvrent et s’offrent à nous. Tout est une question de regard, d’angles de vue, de perspectives.

C’est arriver à passer du verre à moitié vide, notre réaction primaire, au verre à moitié plein, notre réaction secondaire. Autant la première est viscérale, inconsciente, émotionnelle, autant la seconde est rationnelle, réfléchie, analytique et travaillée.

Que nous apprend la situation ? Quel Bilan je fais de ce travail ? Quelles compétences j’ai acquises ? Quelles opportunités s’offrent alors à moi…Qu’est-ce que je veux pour ma vie ?

Lorsque je divorce :

Le divorce, vient en conséquence d’une trahison, la trahison de notre projet de vie. Cette perte particulière, plus encore que le travail nous touche profondément. Nous y avons placé nos rêves, nos projets, nos valeurs. C’est une projection sur l’avenir à long terme, basée sur un équilibre de vie entre deux personnes dans lequel nous incluons l’équilibre né de la venue d’enfants. Nous organisons alors notre vie autour de ce couple, de cette famille. Elle apporte repère, refuge et réconfort. Elle sous-entend un contrat moral extrêmement fort. Celui de la confiance. Confiance l’un en l’autre, confiance en un avenir commun. Lorsque tout commence à se déséquilibrer, ce sont toutes ces pertes que nous vivons les unes derrière les autres. Ces deuils successifs, nous amènent à devoir nous recomposer, revire autrement, tout en gardant, dans cette nouvelle vie, les apports de la précédente. Et pour en arriver là, il faut du temps, vivre chaque étape, les suivre et construire. Ces pertes sont réelles et partout ; que l’on soit celui qui est l’instigateur de ce divorce ou que cela soit celui qui supporte la décision. L’intensité de la sidération est certainement plus forte dans le second cas, la reconstruction plus difficile aussi. Mais les deux doivent réapprendre à vivre différemment et faire face à différentes pertes, émotions parfois contradictoires, chamboulements, avant d’entrevoir une reconstruction.

Lorsque mes enfants grandissent :

Nous mettons dans chaque grossesse des désirs d’enfants, des rêves. Nous y voyons un enfant « parfait », qui n’aurait pas à subir les souffrances que nous avons connus, ou au contraire, que nous noyions de joies, fruits de notre propre enfance dans un souci de transmission. C’est l’enfant idéal que nous enfermons et que nous portons durant les 9 mois de grossesse. Puis la réalité reprend peu à peu le pas, et nous devons renoncer à cet enfant idéal. Nous devons connecter à qui il est, en raison d’un principe de réalité nécessaire et salvateur pour l’enfant. Mais cette démarche est un vrai deuil pour nombre de parents. Renoncer à l’enfant idéal pour aller à la rencontre de l’enfant que nous avons. Heureusement, même si ce travail se met en place dès la naissance avec les premiers pleurs qui nous laissent sans « mode d’emploi », qui commencent à écorner cette image. En effet, cet enfant pleure, nous empêche de dormir. Il n’est finalement ni toujours sage et ni toujours souriant. Et heureusement ! Il commence à devenir lui ! Et plus il devient lui, plus nous devons renoncer et perdre. Et cela va s’accentuer et l’amener à l’adolescence à commencer à faire ses propres choix. Il n’est alors pas toujours facile d’accompagner, de mettre des limites et de la laisser devenir qui il ou elle doit devenir. Chaque friction est une perte. Mais une perte est nécessaire pour lui, pour elle, pour sa construction.

Et pour nous, car elles redéfinissent aussi notre relation, qui nous sommes dans cette relation. Elles nous transforment, remettent en exergue nos attentes, nos phantasmes, et, quand tout se passe bien, nous grandissons avec, nous évoluons, nous nous reconstruisons.

Les pertes, et les émotions mélangées de colère, de tristesse, de frustrations, de déceptions doivent nous amener à se (re)construire afin de (re)découvrir la joie d’être ensemble. Voilà encore un processus de deuil. Qui vient en amont d’une renaissance réciproque et nous amène progressivement à des rapports d’adulte à adulte.

Lorsque je suis trahi par un ami, mon mari…

Le Larousse définit la trahison comme « cesser d’être fidèle à quelqu’un, à un groupe, un parti, une cause, les abandonner. » La trahison est un poison. Quand elle survient, elle brise, fracasse, détruit toute la confiance, ce qui a été partagé, donné. La trahison est un meurtre. Elle tue la relation. Elle tue la confiance. Elle tue l’innocence et la candeur du partage et du don engagé dans la relation. La personne trahie reste sans voix. L’incompréhension prend souvent le pas sur les ressentis. La colère n’est souvent que tardive. La personne trahie est d’abord une victime. La relation est mise au pilori. Nous perdons beaucoup de nous dans une trahison, car nous ne nous sentons trahis que par les personnes que nous aimons, qui ont de l’importance pour nous, des proches. La sincérité de nos échanges est remise en cause. Alors que nous pensions être sur la même longueur d’onde, cette trahison révèle qu’il n’en n’était pas le cas. C’est le deuil de la relation, le deuil de cette amitié, amour… que nous devons affronter. La reconstruction n’en sera que plus difficile car la trahison touche de plein fouet nos émotions et tout ce que nous avons donnés, et donnés sans réserve.

Comme nous l’avons vu à travers ces quelques exemples, bien que souvent associés à la souffrance, tous ces deuils sont aussi considérés comme des processus nécessaires de délivrance. Ce sont ces processus de délivrance qui nous amènent à la résilience.  Et ce sont eux qui nous permettent le rebond et d’aller de l’avant.

Ce processus actif est un cheminement intérieur qui nous permet de surmonter tous les évènements critiques de notre vie ; associés à la mort ; « la mort » du travail parfait, la « mort » du couple parfait, « la mort » de l’enfant parfait, « la mort » de la confiance parfaite…

Ces deuils nécessitent souvent le soutien de quelqu’un faisant preuve d’écoute et d’empathie. Les émotions sont tellement présentes, mêlées, contradictoires, qu’elles ne nous permettent pas toujours de prendre la bonne distance afin d’analyser. Nous passons toutes par de tels moments. Ils sont par ailleurs utiles et nécessaires à notre vie. Bien gérer, ils permettent de grandir, régler des blessures anciennes et évoluer. Alors n’hésitons pas à nous faire accompagner et à prendre à pleins bras ces événements. De transformer le négatif de nos vies en positif. De se laisser transformer positivement par les évènements que nous traversons.

Nous pouvons, soit subir les pertes de notre vie et les laisser nous mettre sur le carreau, devenir amère et entretenir les blessures, soit suivre le processus de guérison qui est en nous en suivant le processus de deuil, et si besoin, se faire accompagner pour cela.

Je nous invite toutes à entrer dans ce bel héritage et à progresser d’épreuves en épreuves. Que nos pertes deviennent nos gains !

N.A

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