
Analyse les paroles de la chanson de la mère Gothel[1] dans Raiponce Disney.
Les paroles de la chanson de la mère Gothel dans « Raiponce » de Disney présentent plusieurs traits du langage de la manipulation. Elle utilise des techniques de manipulation émotionnelle et de gaslighting[2] pour maintenir Raiponce sous son contrôle. Elle insiste, par exemple, sur le fait qu’elle agit pour le bien de Raiponce tout en la gardant isolée et en lui inculquant la peur du monde extérieur. Elle minimise également les réalisations de Raiponce (dénigrement) et utilise des compliments faux pour renforcer sa dépendance émotionnelle envers elle. En résumé, la chanson de la mère Gothel reflète un langage manipulateur qui vise à maintenir son pouvoir sur Raiponce.
Tout d’abord je vous laisse regarder une vidéo de la chanson avant de partager une analyse des paroles. (Extrait )
Paroles de la chanson « N’écoute Que Moi » (les paroles de la chanson sont en gras, l’analyse en bleu et en italique)
Mère Gothel –
Tu voudrais aller dehors ? Oh, voyons, Raiponce
Regarde-toi, aussi fragile qu’une fleur
Tu n’es qu’un bébé, un petit poussin
Pourquoi vivons-nous ici dans la peur ?
(Elle utilise la peur, le dénigrement (fragile, fleur, petit poussin))
Raiponce –
Je sais pourquoi
(La réponse qui paraît automatique. Elle n’a de fonction que de permettre à la sorcière de donner le pourquoi)
Mère Gothel –
Mais oui, pour qu’il ne t’arrive rien
Oh, je sais que viendra ce jour maudit
Où l’oiseau voudra quitter son nid
Mais pas tout de suite
(Elle énonce une « vérité de protection » cela relève de l’hameçonnage. Elle utilise aussi le mensonge en rentrant dans le désir de Raiponce de voler de ses propres ailes, en lui faisant croire que cela lui arrivera, alors que jamais elle ne la relâchera. Elle « desserre » » l’étau pour mieux le resserrer ensuite et la contrôler.)
Raiponce –
Mais…
(Raiponce est interloquée. Elle sort momentanément de sa zone de confort. C’est là qu’elle baisse la garde et permet à la mère Gothel de resserrer son emprise par la suite.)
Mère Gothel
Chut ! Écoute petite
N’écoute que moi
N’écoute que moi, oui écoute ta mère
Nous sommes dans un monde amer
N’écoute que moi, car de toutes les manières
Partout le mal guette sur terre
Bandits, voleurs, poison, sables mouvants
Cannibales, serpents, oh !
La peste !
(Elle fait taire Raiponce, l’oblige à l’écouter pour l’empêcher de penser, de réfléchir, de réagir. Elle l’enferme par cette pensée inductive et récurrente « n’écoute que moi » car en dehors de moi, c’est la « mort ». « Moi, je te protège ». Elle se pose en force, en protection face à un monde hostile. Elle invoque des raisons pseudos-logiques et irréfutables pour justifier l’enfermement. Et surtout des raisons que Raiponce ne peut vérifier, sans quoi, elle risque la mort. La mère Gothel la garde sous son contrôle en l’isolant. En étant isolée, elle ne peut rien voir, et donc, elle doit croire sur parole tout ce que dit la sorcière. Il est à remarquer que les fléaux énoncés pour lui faire peur vont crescendos, induisant ainsi une peur de plus en plus grande, qui, combinés avec la répétition de « n’écoute que moi », agissent en effet hypnotique sur Raiponce afin de la tétaniser.)
Raiponce
Non !
(Elle est interloquée. Sa peur s’exprime à travers ce « non ». Cela indique à la mère Gothel que Raiponce est à nouveau ferrée.)
Mère Gothel –
Si ! De grosses bestioles
L’homme aux dents pointues
(Elle estampille ses paroles, joue avec la peur qu’elle a créée et, resserre ainsi encore plus son étau et le coup de massue, le danger suprême, plus que la peste elle-même, c’est « l’homme aux dents pointues ». Et finalement c’est bien là qu’elle veut exercer le plus son contrôle car elle pressent que c’est comme cela qu’elle pourrait perdre Raiponce, et donc perdre la jeunesse qu’elle lui vole.)
Ça suffit, tout cela me contrarie !
Maman est là, maman te protégera
Voilà ce que je suggère
Évite le drame, reste avec moi
Écoute ta mère
(Elle impose le silence à Raiponce en feignant une grande contrariété (= souffrance). Elle joue toujours avec les émotions de Raiponce, balaie la peur qu’elle a créée en Raiponce et la remplace par de la culpabilité. Le comportement de Raiponce contrarie (= fait du mal) sa mère, elle qui lui veut tant de bien ! Ce qu’elle a tout de suite rajouté dans la chanson. En même temps, la sorcière se pose en sauveuse, en protectrice.)
Va ma fille, affronte les rhinocéros
Va ma fille, affronte les brigands féroces
Je ne suis que ta mère, moi, après tout
Je ne t’ai que bercée, changée, nourrie
Oui, va-t’en et laisse-moi
(Dans le phénomène d’emprise, après avoir chauffé le chaud, la peur, les risques, elle lui fait croire qu’elle est libre, mais Raiponce est déjà ferrée. Elle n’ira pas. C’est exactement le jeu du chat avec la souris, décrit dans le précédent article. De ce fait, en lui laissant cette pseudo-liberté, elle fait croire à Raiponce, que c’est elle qui prend la décision. Elle la manipule encore.)
Je le mérite –
(manipulation affective. Le seul lien au monde de Raiponce c’est elle !)
Laisse-moi mourir seule, abandonne moi
Mais quand il sera trop tard
Tu verras : va, fait le, mais si tu le fais, tu verras, tu mourras…
(Elle manipule par la culpabilité et la peur en lui disant qu’elle l’avait prévenue et lui faisant porter la responsabilité de la mort de sa mère, elle qui a tout fait (et tant fait) pour elle !)
N’écoute que moi
N’écoute que moi !
(À nouveau l’isolement, l’enfermement, cette litanie est hypnotique dans cette dyade)
C’est maman qui te le dit
Toute seule, tu es
Tu es mal vêtue, immature, maladroite
Ils te mangeraient toute crue
Simplette et naïve, tu n’es qu’une empotée
Étourdie et même flasque
Mais excuse-moi, tu te laisses aller ma beauté perdue
(Elle détruit l’estime de soi de Raiponce, s’assurant ainsi qu’elle ne bougera pas. Elle l’a décrit tellement immature, mal vêtue, maladroite empotée etc. Que des adjectifs négatifs ! Elle lui souffle le froid, l’inverse de ce qu’elle est, afin de maintenir son emprise. C’est le coup de grâce qui vient parachever toute son action pour maintenir et renforcer son emprise. Elle doit être forte, car Raiponce, maintenue dans la peur, seule, ne tentera même pas de sortir de sa prison. Il lui faudra une aide extérieure pour le faire.)
Comme je t’aime, je te dis tout
Maman te comprend, elle veut t’aider surtout
La seule chose que j’espère…
Raiponce ?
(Elle souffle à nouveau une émotion « chaude », l’amour. Ça, c’est ce que disent ses mots. Mais son comportement dit tout autre chose, il lui dit « je te hais », « tu n’es rien ». Bel exemple ici de la double communication vue précédemment)
Raiponce :
Oui ?
Mère Gothel :
Je ne veux plus t’entendre parler de quitter cette tour, est-ce clair ?
(Menace / pression/ domination. Le ton change)
Raiponce –
Oui, mère
(A nouveau sous emprise, soumise, Raiponce capitule)
Mère Gothel
Je t’aime de tout mon cœur ma chérie
(Comme Raiponce est à nouveau sous son emprise, elle remet le masque bienveillant, aimant, culpabilisant, en jouant sur ses émotions)
Raiponce
Je vous aime plus encore
(Ferrée, elle entre pleinement dans le jeu répondant à ce qu’elle croit être de l’amour. Et comme toutes les victimes, elle est sincère. Alors que le manipulateur joue avec. Il s’agit là de la pleine expression de l’emprise qu’exerce sur elle la mère Gothel.)
Mère Gothel
Je t’aime bien plus que cela
(Elle pousse la manipulation encore plus loin en surenchérissant sur son pseudo amour. Et, si on regarde bien la formulation de la phrase, on peut y déceler tout le mépris qu’elle accorde à la déclaration d’amour de Raiponce. « Moi, je t’aime mieux que toi ! »), induisant une once de culpabilité au passage.)
N’oublie pas ou tu le regretteras.
(menace)
N’écoute que moi !
(Assoie l’enfermement)
Dans ce chant, la rhétorique de Mère Gothel est bien rodée. On peut également remarquer qu’il y a très peu de place aux réponses pour Raiponce. Tout au long de la chanson, elle ne dit que quelques mots. Presque des interjections, face au long plaidoyer de Mère Gothel. Ce déséquilibre marque encore mieux la domination qu’elle exerce. Ce chant est comme un envoutement qu’elle opère, et d’ailleurs, dans la gestuelle des personnages animés, c’est ce qui se passe. Elle lui tourne autour sans arrêt, à lui donner le tournis, à la rendre confuse, l’amenant à plier, à perdre son raisonnement et ses pensées.

Je voudrais maintenant vous partager les paroles d’une autre chanson. Je vais les laisser en brut. Vous connaissez certainement cette chanson des années 80. Vous l’avez peut-être, comme nous tous, fredonnée. Mais avez-vous prêté attention aux paroles ? Je vous propose de le faire maintenant, en gardant en tête tout ce que nous avons vu sur le comportement du manipulateur et ce qu’il exige de sa victime. Les jeux de mots dans ce texte sont extrêmement riches en double sens (domination, amour excessif de soi du manipulateur, dénigrement…). Une belle illustration de ce que pourrait être le discours du manipulateur sur ces intentions, ses motivations, s’il ne portait pas de masque.
A vous de jouer…
Confidence pour confidence (Chanson de Jean Schultheis)
Je me fous, fous de vous, vous m’aimez
Mais pas moi, moi je vous voulais mais
Confidence pour confidence
C’est moi que j’aime à travers vous
Si vous voulez les caresses restez pas
Pas chez moi, moi j’aime sans sentiment
Confidence pour confidence
C’est moi que j’aime à travers vous
Mais aimez-moi à genoux j’en suis fou
Mais de vous à moi je vous avoue
Que je peux vivre sans vous
Aimez-moi à genoux j’en suis fou
Et si ça vous fait peur
Dites-vous que sans moi
Vous n’êtes rien du tout
Tout pour rien, rien pour vous
Vous m’aimez mais je joue
J’oublie tout
Confidence pour confidence
C’est toujours moi que j’aime à travers vous
Vous pleurez révoltée taisez-vous
Vous m’aimez mais pas moi
Moi je vous veux pour moi et pas pour vous
Vous je m’en fous tant pis pour vous
Aimez-moi à genoux j’en suis fou
Et n’oubliez jamais que je joue
Contre vous, vous pour moi sans vous
Vous l’avez voulu, tant pis pour vous
Aimez-moi
Mais confidence pour confidence
C’est moi que j’aime à travers vous
Et je me fous, fous de vous, vous m’aimez
Mais pas moi, moi je vous voulais
Mais confidence pour confidence
C’est moi que j’aime à travers vous
Si vous voulez les caresses restez pas
Pas chez moi, moi j’aime sans sentiment
Confidence pour confidence
C’est moi que j’aime à travers vous
Mais je me fous, fous de vous, vous m’aimez
Mais pas moi
Alors ? Qu’en dites-vous ?
Dans le prochain article, la 6ème partie, nous verrons comment se sortir et guérir de telles relations.
Nathalie AZRAK
[1] La chanson de la mère Gothel dans « Raiponce » de Disney, intitulée « Mother Knows Best » en anglais, a été écrite par Alan Menken et Glenn Slater. Alan Menken est un compositeur de musique de films et de comédies musicales bien connu pour son travail avec Disney, tandis que Glenn Slater est un parolier qui a collaboré avec Menken sur plusieurs projets.
[2] Le concept de gaslighting ne provient pas d’un courant psychologique spécifique, mais il est souvent associé à des concepts de psychologie sociale et de psychologie clinique qui étudient les dynamiques de pouvoir, de manipulation et de relation abusive. Le terme tire son origine d’une pièce de théâtre et d’un film du même nom, « Gaslight » (1944), dans lesquels un homme manipule sa femme pour la faire douter de sa santé mentale en altérant l’éclairage de leur maison. Le gaslighting est donc plus un terme de la culture populaire et de la psychologie pratique que directement issu d’un courant psychologique académique.
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