Entre empathie et compassion.

Carl Rogers,

psychologue (l’écoute active)

Souvent nous nous mélangeons les pinceaux dans nos expressions. Doit-on dire, j’ai de la compassion ou j’ai de l’empathie ?

J’ai souvent entendu qu’il vaut mieux avoir de la compassion que de l’empathie. Est-ce vraiment si sûr ? 

La compréhension et le ressenti des émotions des autres sont liés aux deux concepts, mais ils ne peuvent pas être interchangeables. Ils diffèrent par leur nature et leur impact.

Ils ont néanmoins des points communs. Dans les deux cas, il y a une perception ou une prise de conscience de la détresse de l’autre. Ils reconnaissent sa souffrance et mettent en place une connexion affective, un lien émotionnel avec la personne concernée. Toutes deux jouent un rôle essentiel dans les relations humaines et favorisent l’entraide. Elles ont une origine sociale et psychologique.

Cependant, elles ont aussi de nombreuses divergences.

Par définition, l’empathie est la capacité à ressentir ou comprendre les émotions des autres. L’autre va produire une émotion chez moi, par exemple une tristesse face à son vécu. C’est rapide, fugace et instinctif. Puis, mon raisonnement, mes pensées, mon vécu vont analyser et construire en moi un sentiment plus durable, qui va me permettre de le comprendre, voire de pleurer avec lui. C’est ainsi que va se construire en moi un sentiment de bienveillance. Nous voyons ici que l’empathie est principalement émotionnelle et cognitive.

Selon sa définition, la compassion est un sentiment de bienveillance qui pousse à soutenir quelqu’un en difficulté. Elle est donc émotionnelle et active.

L’action de l’empathie peut être épuisante si elle n’est pas correctement gérée. C’est ce que l’on appelle la fatigue empathique. Elle peut, parce qu’elle est émotionnelle et cognitive, rester passive et se limiter à de la compréhension. En revanche, la compassion motive à agir sans nécessairement subir de surcharge émotionnelle. C’est elle qui pousse à l’action pour soulager la souffrance de l’autre.

A titre d’exemple afin de bien comprendre la différence : Je peux, par exemple, ressentir la tristesse d’un ami en difficulté, je peux la comprendre et ne rien en faire. Je fais alors preuve d’empathie.

Toutefois, je peux aussi lui offrir un soutien concret pour l’aider. C’est à ce moment-là que je fais preuve de compassion.

L’empathie implique de ressentir ce que les autres vivent, tandis que la compassion va plus loin en incitant à agir pour les soulager.

Jésus incarne parfaitement ces deux qualités tout au long des Évangiles.

La Bible aborde à plusieurs reprises l’empathie et la compassion. Mais nous y retrouvons plus de versets faisant référence à la compassion qui, elle, amène l’action.

Pour commencer, voici quelques versets sur l’empathie, c’est-à-dire, comprendre et partager les émotions des autres.

  1. Romains 12:15
    « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent, pleurez avec ceux qui pleurent. »
    Ce verset encourage à partager les émotions des autres, qu’elles soient positives ou négatives. Ce verset illustre très bien ce qu’est l’empathie.
  2. Job 2 :11-13
    « Ils restèrent assis par terre auprès de lui pendant sept jours et sept nuits, sans lui dire un mot, car ils voyaient combien sa souffrance était grande. »
     Les amis de Job montrent de l’empathie en partageant son chagrin en silence.

Maintenant, pour compléter, voici quelques versets sur la compassion, c’est-à-dire, être touché par la souffrance et agir pour aider.

  1. Matthieu 9 :36
    « Voyant la foule, il fut ému de compassion pour elle, parce qu’elle était languissante et abattue, comme des brebis qui n’ont point de berger. »

Jésus est touché par la détresse des gens et se sent poussé à les aider.

  1. Hébreux 4:15
    « Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse compatir à nos faiblesses; au contraire, il a été tenté en tout point comme nous, sans commettre de péché. »
    Jésus comprend nos souffrances car il les a lui-même vécues et pris sur lui
  1. Luc 10 :33-34 (Parabole du bon Samaritain)
    « Mais un Samaritain, qui voyageait, arriva près de lui et fut ému de compassion. Il s’approcha et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui. »
    La compassion pousse ici à une action concrète pour aider une personne en détresse.
  2. Ésaïe 49 :13
    « Car l’Éternel console son peuple, il a compassion de ses malheureux. »
    Dieu manifeste sa compassion en réconfortant ceux qui souffrent.
  3. 2 Corinthiens 1 :3-4
    « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans toutes nos afflictions, afin que, par la consolation dont nous sommes l’objet de la part de Dieu, nous puissions consoler ceux qui se trouvent dans quelque affliction ! »
    Ce passage montre que la compassion de Dieu nous pousse à être compatissants à notre tour.

Mais nous aurions tort de rejeter l’empathie et de la reléguer à un simple constat d’émotions.  Sans empathie, il n’y a pas de compassion. La compassion puise ses racines dans l’empathie.

À ce titre, nous parlons toujours de l’empathie au singulier, alors qu’il existe deux types d’empathie. En effet, L’empathie de tête et l’empathie de cœur sont deux formes complémentaires d’empathie.

L’empathie de tête, ou également appelée empathie cognitive :

L’empathie de tête repose sur la compréhension intellectuelle des émotions et des perspectives des autres, sans forcément les ressentir soi-même. Elle permet une analyse rationnelle des émotions. C’est la capacité à se mettre à la place de quelqu’un sans être submergé par ses émotions. Elle est utile et fondamentale pour la communication, la médiation et la prise de décision objective.

Exemple

Un psychologue qui écoute un patient en détresse comprend ses émotions et ses motivations, mais sans être envahi par sa souffrance.

L’empathie de cœur, ou également appelée empathie émotionnelle.

L’empathie de cœur repose sur le ressenti profond des émotions des autres, comme si on les vivait soi-même. C’est une réaction émotionnelle intense face à la souffrance ou à la joie des autres. Elle favorise les liens affectifs et la solidarité. En revanche, elle peut mener à une surcharge émotionnelle si elle n’est pas équilibrée.

Exemple

Une mère qui voit son enfant pleurer et ressent immédiatement une douleur dans son propre cœur, comme si elle vivait sa peine.

C’est aussi cette empathie qui s’exprime quand nous pleurons, rions devant un film ou en lisant un livre. La connexion avec les personnages est telle que nous vivons et ressentons leurs émotions.

L’idéal est un équilibre entre les deux : comprendre les émotions des autres (empathie de tête) tout en restant capable de les ressentir (empathie de cœur) sans se laisser submerger.

Pour bien aider et accompagner les autres, il faut un équilibre entre empathie de tête, empathie de cœur et compassion. Chacune joue un rôle spécifique et complémentaire.

L’empathie de tête (cognitive) permet de comprendre sans être submergé

Elle est utile pour analyser la situation avec objectivité et offrir un soutien adapté. Elle permet d’éviter de se laisser emporter par les émotions, ce qui est essentiel pour les écoutants, accompagnants, coachs, psychologues…

L’empathie de cœur (émotionnelle) : Elle permet de créer un lien sincère :

Elle favorise une connexion authentique avec la personne aidée. Elle permet de montrer que l’on comprend et partage, dans une certaine mesure, la souffrance ou la joie de l’autre.

La compassion permet de transformer « les deux types d’empathie » en action

Elle pousse à agir pour soulager la souffrance, au lieu de seulement la comprendre ou la ressentir. Elle est l’idéale pour accompagner efficacement :

Quel est le bon équilibre ?

Tout dépend du contexte et du rôle que l’on joue.

On pourrait décrire deux approches, différentes, qui vont générer un équilibre différent :

  • Dans l’aide professionnelle (médecins, psychologues, coach, travailleurs sociaux…) : Plus d’empathie de tête, un peu d’empathie de cœur, et beaucoup de compassion pour agir efficacement sans être submergé.
  • En aidant les autres (amis, parents, proches) : Un mélange d’empathie de cœur et de compassion, avec un soupçon d’empathie de tête pour garder du recul.

De façon générale, on comprend par le biais de l’empathie de tête, on ressent grâce à l’empathie de cœur, mais surtout, on aide activement avec la compassion. Les trois concepts sont trois aspects fondamentaux et complémentaires de nos relations à l’autre. Ils s’interconnectent en permanence, et nous passons, en réalité, de l’un à l’autre sans en prendre conscience.

La formule clé :

Nathalie AZRAK

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